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«Je suis vegan mais ce n’est pas ce que vous croyez»

« Et le cri de la salade qu’on arrache de la terre et qui souffre, tu l’as entendu aussi ? »  Autour de moi, les rires étaient gras, les mines entendues, la bonne vieille blague a fusé lors d’un apéro entre amis quand on a fait tourner les saucisses cocktail et que j’ai décliné. Pourtant, j’ai juste dit non, je ne l’ai pas ramené mais un de mes très bons amis s’est cru obligé de lancer « C’est parce qu’elle devient vegan ».

Je sais bien que cet ami ne me veut pas de mal, je sais bien qu’il me connaît assez pour savoir que je ne vais pas « saouler » tout le monde tout le temps , de discours sur les méfaits d’une alimentation carnée, transformer les diners entre potes en moments culpabilisateurs au moment où passe le plat de merguez . Mais j’ai été confrontée ce soir-là à une intolérance certaine. Des gens intelligents et plutôt bienveillants à mon égard se sont fermés d’emblée à un dialogue que je ne sollicitais même pas !  

Et c’est là que tout le monde a lâché les vannes …

Certes, je n’ai jamais eu droit aux genres de scènes que raconte la journaliste Yolaine de La Bigne, aujourd’hui organisatrice de la journée mondiale de l’intelligence animale  et végétarienne depuis trente ans, à une époque où c’était comme une maladie honteuse ; Dans les années 80, elle m’a raconté avoir dû faire face à une vraie agressivité.

Comme ce déjeuner auquel l’avait invitée un de ses chefs et où il lui avait annoncé d’emblée qu’il prendrait de la viande en entrée et aussi en plat. « Comme ça, juste pour te faire chier . Et s’il y en avait eu au dessert , j’en aurais pris aussi ! » Parce que lui, c’était un « viandard ».  Revendiqué ! Les temps ont changé, les mentalités ont évolué…

Bon, pour vous résumer…

D’abord , je ne suis pas chiante (enfin, je crois) !

Dans l’esprit de tous, le vegan est chiant, il n’a pas trop d’humour, il est jusqu’au-boutiste, il a des principes qui compliquent la vie de tout le monde. On ne peut pas réserver au restau par exemple sans qu’il ne se soit auparavant assuré du menu. J’avais vu passer cette petite devinette sur instagram :

A quoi reconnaît-on un vegan ?

« Au fait qu’il regarde la carte d’un restau sur internet avant d’y aller . »

J’avais trouvé ça exagéré. Et je n’avais aucune envie de devenir comme ca ! Mais lorsque, pour un déjeuner professionnel,  je me suis retrouvée porte maillot dans une brasserie parisienne très réputée, j’ai regretté de ne pas avoir eu cette curiosité: aucune salade, aucune assiette de légumes, des plats en sauce, des crustacés, voire une ou deux spécialités tripières…le seul plat qui me semblait vegan compatible était une soupe à l’oignon qui, lorsqu’elle est arrivée à table, était parsemée de fromage fondu…

«  Je vais devoir m’y faire : les gens vont penser que je ne suis jamais détendue. »

Capable de trouver même à redire à un légendaire Levi’s au motif que l’étiquette indiquant le modèle et la taille est faite en peau… Parce que le cuir est une industrie à part entière. Parce que la peau des étiquettes n’est pas uniquement récupérée sur des bêtes mortes pour nous substanter. J’ai également goûté au bonheur de devenir un casse-tête pour les maitresses de maison qui ne savent jamais quoi faire à diner, quoi servir le matin. … Le matin, si le vegan ne prend pas du lait, alors qu’est-ce qu’il va boire, manger ? Du lait d’avoine ou d’amandes ? Du « granola » (un mélange de céreales qui n’a rien à voir avec la marque de biscuits au chocolat qu’on connaît ? Que des trucs qu’on n’a jamais dans son placard…

On peut être vegan et boire du thé, manger du pain complet le matin, des fruits, des trucs tout simples. Sans forcément « faire chier » le monde ou faire du prosélitisme. Sans aller jeter de la peinture rouge sur la vitrine d’un boucher de quartier. Le véganisme est un choix personnel. C’est comme ça que moi, je le vis. On peut être vegan sans avoir renoncé aux plaisirs de la chère. C’est comme ça que moi, je le suis

Ensuite, je reste épicurienne

Avant cet apéro, il y en a eu plein d’autres ou je me jetais sur les saucisses cocktail. Une autre vie où j’ai aimé la viande, tenté des semaines de régime dissocié, exclusivement carné pour rentrer dans un 36. Le  veau aux olives était la recette que je réussissais le mieux. Et pourtant, je garde des souvenirs d’enfance magiques, ces semaines de vacances à la ferme où je demandais à être reveillée en pleine nuit quand une vache velait .

Ce moment unique où le petit veau à peine expulsé du ventre de sa mére tentait maladroitement de marcher sur la paille de l’étable de cette ferme angevine, reste gravé à jamais. Ce veau, ces veaux, je les ai observés, caressés, nourris pendant des jours, je n’aurais pas supporté que qui que ce soit leur fasse du mal. Jamais imaginé que lui ou l’un de ses congènères puisse partir un jour à l’abattoir.

, ma « négation » a continué.

Et j’ai cuisiné allégrement du veau aux olives 40 ans de ma vie… Enfant, sur des plages en Afrique, je me suis aussi régalée de méchouis où le cochon embroché tournait des heures, la peau noircie et caramélisée : je me souviens de moments si joyeux où l’on se taillait des parts à même la bête, les pieds dans le sable… Consciemment ou pas et comme plein de gens, j’ai pendant des années refusé de faire un lien entre un animal vivant et ce que j’avais dans l’assiette.

J’ai adoré les oeufs le matin , les plateaux de fromage accompagnés de bon vin. J’ai aimé le contact du cuir sur ma peau, j’ai offert une veste Canada Goose à la capuche bordée de fourrure de coyote et pour faire dame, une ou deux fois dans ma vie, j’aurais même été capable de sortir avec un manteau de fourrure. Je ne dis pas que j’aurais été très fière mais j’aurais pu le faire ! La soie n’était pas un sujet, le cuir de mes sacs non plus.

Résumons parce qu’on me pose souvent la question

Les végétariens ne mangent pas de chair animale. Les vegetaliens ne mangent pas de chair animale, pas d’œufs, pas de lait, pas de miel. Les vegan vont un cran plus loin, en refusant tout ce qui provient de l’exploitation animale, viande, lait, œufs, miel bien entendu mais aussi cuir, fourrure, soie, laine, poils d’animaux pour faire des pinceaux, os et corne pour faire des boutons.

Pourquoi? Parce que :

Enfin, je ne suis pas dupe

Comme tous ceux qui s’intéressent à la cause animale, il y a aujourd’hui des chiffres qui me restent en tête et qui me sont insupportables. Chaque année, c’est 74 milliards d’animaux terrestres qui sont mangés dans le monde ainsi que 1000 milliards de poissons et autres crustacés. Un chiffre qui va croissant. Du jamais vu dans l’histoire de l’humanité. Concernant la France, où 3 millions d’animaux sont tués chaque jour, le journaliste Aymeric Caron a fait le calcul :

« A la fin de sa vie, un français non végétarien aura mangé à lui seul 6 à 7 bœufs, vaches ou veaux, 33 cochons, 1 à 2 chèvres, 9 moutons, plus de 1300 volailles et 60 lapins, ainsi que des centaines d’animaux marins, soit prés de 1500 animaux d’élevage et une tonne d’animaux marins »

J’ai dû relire ces chiffres plusieurs fois pour y croire .

Pourtant, au 21ème siècle, personne ne contestera qu’on n’a plus besoin de se couvrir de cuir ou de s’envelopper de fourrure pour avoir chaud. On n’a pas besoin non plus de manger de la viande, du poisson ou des produits laitiers pour être fort et en bonne santé : les dernières études tendent même à prouver le contraire. Ces études que veut taire l’industrie agro-alimentaire qui tend constamment à nous faire oublier ce que l’on mange, en dessinant par exemple des animaux sur les boites de fromage plutôt que d’y faire figurer des photos (allez lire l’article vous comprendrez ce dont je parle).

Avant tout ça, j’ai testé la viande « moralement admissible »

Comme beaucoup de personnes concernées par la souffrance animale ou par leur santé, il y a un moment où je me suis dit que j’allais cuisiner mon veau aux olives en bonne conscience et que j’allais ne plus acheter que de la viande « moralement admissible », c’est à dire de la viande provenant d’un élevage respectueux du bien-être animal. Un de ces élevages cinq étoiles où toutes les cases sont cochées, de la qualité de la litière aux conditions du départ vers l’abattoir : toute sa vie, l’animal provenant de ce type d’élevage est choyé. Par des agriculteurs à l’ancienne qui étreignent même parfois leurs bêtes avant le départ pour l’abattoir. Il y en a, ils sont profondément sincères. …

Mais qu’est-ce que le « bien être » si l’animal est correctement traité voire choyé puis finalement abattu ? Où est la cohérence ?

La finalité est la même dans les petits élevages comme dans les fermes industrielles : tuer un être vivant sans nécessité.

Pour la même raison, je refuse le lait. Parce que l’industrie du lait est intrinsèquement liée à l’industrie de la viande. Parce qu’une vache laitière est engrossée toute sa courte vie (5 ans d’espérance de vie en moyenne contre 20 ans pour une vache élevée dans les prés) pour mettre au monde des veaux qui partiront direct à l’abattoir ou des petites vaches qui subiront le même destin qu’elle : être inséminées, produire du lait à un rythme effréné (entre 20 et 50 litres par jour contre 6 naturellement) pour, en bout de course, être abattue. Je me suis mise à regarder les étiquettes des viandes vendues en supermarché , cette viande que j’ai mangé et fait manger à ceux que j’aime pendant des années; en tout petit, il y a  souvent la mention « vache laitière ». Cela veut dire que cette vache a eu une vie d’enfer…

Quant aux oeufs… les poussins males sont éliminés à la naissance car ils sont inutiles à l’industrie des poules pondeuses. La journaliste Yolaine de la Bigne m’a raconté que les poussins naissaient en sachant compter jusqu’à 5. 1,2,3,4,5…En moins de cinq secondes, j’ai arrêté les œufs brouillés…

«J’ai découvert une multitude de saveurs »

 Alors oui, je ne vais pas mentir: ce n’est pas une mince affaire d’oublier la viande quand on est pétris de culture culinaire française. Mais ma transition est devenue moins compliquée quand j’ai compris qu’il ne fallait pas chercher à « remplacer » les aliments. J’ai renoncé à la viande, un point c’est tout, je n’allais pas chercher absolument des aliments ressemblants pour me donner l’illusion de continuer à en consommer. J’ai rayé de mon vocabulaire et de ma liste de courses les produits qui portent le vilain nom de « substituts ». Et je suis au contraire devenue aventureuse. J’ai découvert une multitude de saveurs. Je n’ai pas renoncé à l’alimentation plaisir alors, j’ai testé d’autres choses, essayé d’autres goûts. J’ai acquis d’autres automatismes.

Je revendique haut et fort qu’on peut être vegan et épicurien . J’ai découvert qu’on pouvait faire d’excellents cookies sans œufs, des bolognaises avec des protéïnes de soja , que des noix de cajou, des pignons de pin, de la poudre d’amandes étaient délicieux saupoudrés sur des pâtes, des curry gourmands qui fondaient sous la langue, que du chili sin carne , c’était bon aussi… J’ai appris à me méfier également de certains produits trop chers au seul motif qu’ils sont étiquetés, markettés vegan.

Je ne suis pas devenue quelqu’un d’autre

Je suis devenue vegan mais je ne suis pas devenue une autre personne. Les gens avec lesquels je ne dine pas, je ne déjeune pas n’ont rien remarqué. J’ai juste le sentiment d’être aujourd’hui un peu plus en adéquation avec mes valeurs morales, ma sensibilité, mon humanité. Je ne crois plus à ce que l’on nous présente depuis des années dans nos sociétés comme normal, naturel, indispensable : l’exploitation de l’animal par l’homme. J’ai l’impression de me soucier de la terre que je laisserai à mes enfants et même à la terre que je connaitrai dans vingt ans. L’élevage intensif, on le sait abime la planéte et nous empoisonne autant qu’il nous nourrit. Les pâturages occupent déjà un quart des terres du globe ( excepté l’Antarctique).

Il ne faut pas moins de 15 000 litres d’eau pour produire un kilo de boeuf. Ajoutez à cela les flatulences des ruminants et vous apprendrez que l’élevage est selon l’ONU responsable de 15% des émissions de gaz à effet de serre, soit autant, si ce n’est plus que les transports. La pollution des eaux, la déforestation, la perte de la biodiversité sont aussi une des conséquences de l’élevage.

J’ai décidé de bien vieillir

Après quelques jours, quelques semaines, je me suis sentie mieux.  J’avais une plus jolie peau, je dormais mieux, j’étais plus rapidement rassasiée (les fibres des légumes donnent une sensation de satiété plus rapide), avec le sentiment d’être en meilleure santé. Je ne dis pas que je ne mourrais pas d’une maladie cardio vasculaire ou d’un cancer , que je mourrais super vieille , je ne dis pas que je n’aurais pas de diabète de type 2 mais je m’éteindrai la conscience tranquille car j’aurais fait tout ce que je pouvais pour éviter de mal vieillir.

Car c’est désormais archi prouvé : ne plus manger de viandes rouges, c’est prévenir les maladies cardio-vasculaires et le cancer. Ne plus manger de viandes blanches – dont la consommation augmente dans les pays développés parce que cette viande non sanguinolente est visuellement plus « acceptable » -, c’est aussi être moins sujet au diabète de type 2, à l’hypertension artérielle, avoir moins de troubles de la mémoire, de polyarthrite rhumatoïde, moins de calculs biliaires, c’est vivre mieux et plus vieux ( de 6 à 10 ans en moyenne). Pourquoi ? Parce que les animaux d’élevage se voient administrer préventivement ( et illicitement) des antibiotiques, des vaccins, des pesticides…

Et que je veux contrôler, autant que faire se peut, ce qu’absorbe mon organisme.

Puisqu’on se dit tout, je ne vous cache pas que c’est en matière de mode que j’ai aujourd’hui le plus de mal. Je boycotte sans probléme les marques non éthiques, je n’offrirai plus jamais par exemple une veste Canada Goose depuis que j’ai vu sur le site de la PETA les images de ce coyote la patte coincée dans un piège agoniser pendant des heures. Mais je cherche encore des marques qui soient à la fois accessibles et qui offrent une large gamme de produits. Ca va venir, je ne suis pas inquiéte : il y a déjà des gammes vegan chez esprit, H&M, Doc Martens, des créateurs

qui travaillent les cuirs végétaux : du liége (Basus), de l’eucalyptus ( Noani Fashion), du cuir en feuilles d’ananas (Puma comme camper ont déjà des prototypes de ce type de chaussures), du muskin (du cuir de champignon qui ressemble au cuir de chamois) , des gammes vegan chez Esprit, H&M et Dr Martens, même si à l’image de la Stan Smith Stella Mac Cartney à 250 euros, ça reste cher… .

Je ne suis pas vegan parce que c’est la mode

Il y a un autre truc qu’on m’a lancé à l’apéro : on m’a asséné que je ne faisais que suivre une mode. Le véganisme est un mouvement ancien, porté aussi bien par des savants –  Pythagore était vegan – , que par des génies  – Leonard de Vinci – des sportifs -Lewis Hamilton- ou des sex-symbols : Ryan Gossling en est un fervent adepte. Je vous mets au défi de trouver un rôle où il porte une veste en cuir. Si j’ai le temps, la place, l’envie, peut-être que je le dirai au prochain apéro saucisses.

Le véganisme est moins une mode qu’une façon de s’interroger sur soi, un moment dans sa vie où l’on se pose et où l’on se demande… Comment ai-je pu ???

C’est ce qu’on appelle le « paradoxe de la viande », ce paradoxe qui consiste à aimer les animaux et pourtant, à les manger (livre de Martin Gibert, Voir son steack comme un animal mort, ed Lux) .

Le paradoxe de la viande

Il y a encore un an, je ne pensais pas me régaler autant en lisant les formidables avancées des découvertes sur l’intelligence animale : il y en a de nouvelles chaque semaine ! Yolaine de la Bigne me racontait qu’Emmanuelle Pouydebat, l’auteur de « l’intelligence animale, cervelles d’oiseaux et mémoires d’éléphants » préfacée par Yves Coppens ( ed Odile Jacob) s’était fait quasiment rire au nez par ses collègues du CNRS, lorsque l’idée lui est venue d’écrire sur le sujet . Aujourd’hui, tout le monde s’incline devant la qualité et le succés de son  livre. J’ai adoré cette

cette vidéo de Brut où l’on voit un corbeau flemmard disposer des noix sur un passage clouté pour les faire casser par les voitures qui démarrent, halluciné en lisant que des cochons sont capables de jouer à des jeux vidéo , *ou que des pieuvres sont à même de se servir de noix de coco comme outils ** Je me suis indignée aussi quand Houra a proposé dans son offre de Noël 2018 de livrer à ses clients des homards vivants

Les scientifiques s’accordent tous aujourd’hui sur le fait que les animaux que l’homme exploite et tue ont des émotions, des intérêts, ils ont aussi une vie qu’ils veulent sauver…

Une révolution alimentaire mondiale

 Enfin, même si ce n’est pas ma préoccupation principale,  j’ai le sentiment de faire partie d’une communauté grandissante. Curieuse et bienveillante pour reprendre ce mot à la mode. Nous sommes de plus en plus nombreux à ne plus occulter ce que nous répètent les scientifiques : cette course folle ne peut pas continuer. Avec 10 à 15 milliards d’habitants sur terre en 2050, la planète ne sera bientôt plus capable de produire suffisamment de viande pour nourrir l’ensemble de la population. Nous sommes à la veille d’un changement alimentaire mondial. Une révolution. Pour l’instant, je fais la mienne, tranquille et à mon rythme et sans saouler personne. Enfin, tant qu’on ne me chauffe pas trop avec le cri de la salade.

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